Analyse

Quelques unes des plus grandes erreurs techniques en synchro et comment les éviter


Image

(Credits: Janne Koistinen - Archives 2018)

C'est une nouveauté sur Jura Synchro en 2022 ! Notre nouvelle série "Techniquement parlant..." s'intéresse au panel technique et à ce qui se cache derrière les protocoles de points. Découvrez l'épisode 1 avec une chronique signée par Tony Kraehenbuehl, contrôleur technique.

ADV picture
Comment cela se fait? Pourquoi n'ont-ils pas compté cela? Je ne comprends pas pourquoi on a le niveau BASE pour ça!

En tant qu'entraîneur, patineur ou même simple spectateur, vous êtes-vous déjà posé ce genre de questions?

Eh bien, vous n'êtes pas les seuls! Je suis contrôleur technique, et moi-même je me demande ça après chaque compétition. Et c'est normal! On veut savoir pourquoi une équipe n'a pas obtenu le niveau dans la séquence de pas ou encore le "Free Skating Move" qui était prévu, pour n'en nommer que quelques-uns.

Mais remettons d'abord cela un peu en contexte. Les éléments sont évalués par le panel technique (TP) selon une "Sainte Bible" – les règlements et le manuel technique de l'ISU – qui permet d'évaluer le niveau de difficulté en fonction de ce que les patineurs présentent. Les juges, d'autre part, se soucieront davantage d'octroyer des GOE (Grade of Execution) et des composants de notation, mais nous reviendrons sur ce que les juges feront plus tard dans cette série. Pour l'instant, concentrons-nous sur ces précieux "niveaux" auxquels nous aspirons tous.

Sachant que le TP évalue ce qu'il voit se dérouler sous ses yeux, les scores totaux sont très dépendants des événements. Chaque performance a le potentiel de passer du meilleur au pire scénario en quelques secondes et les patineurs le savent bien… Cependant, le travail du panel technique demeure le même : évaluer ce qu'il voit sur la glace.

Que vous connaissiez ou non le protocole de notation ISU, sachez qu'il n'est pas facile à comprendre, même pour un œil averti. Les entraîneurs et les patineurs se retrouvent souvent avec cette question brûlante : pourquoi n'avons-nous pas obtenu un niveau 4 pour cette séquence de pas?


Image
Festa Aboensia - FIN, programme libre. (Credits: Ville Vairinen - 2021)

Eh bien, mis à part le fait qu'il existe un livret de règles et littéralement une centaine de réponses différentes à cela - selon le panel, la hauteur à laquelle il voit l'équipe, la performance des patineurs ce jour-là, ce qu'ils ont mangé pour le déjeuner - enfin bref, nous voyons néanmoins quelques erreurs récurrentes.

Loin de prétendre ici vouloir toutes les décrire de manière exhaustive ou d'apporter des solutions miraculeuses, chaque panel vous dira qu'il y a des choses auxquelles il faut faire SUPER gaffe. Donc, si vous voulez avoir une meilleure idée de ce à quoi vous devrez peut-être prêter un peu plus d'attention à l'avenir dans les programmes, voici ci-dessous les principales erreurs que j'ai compilées jusqu'à présent au cours de la saison (PS: elles ne sont pas répertoriées dans un ordre particulier).

#1 - Qualité des pas et des "turns"
Oui, au risque de vous surprendre, on revient aux compétences de base de patinage.

Dans les blocs pivotants et les éléments "No Hold", les patineurs doivent présenter des séries de pas et de "turns" - et plus ils sont difficiles, mieux c'est. Mais rappelez-vous qu'il ne suffit pas de simplement "cocher toutes les cases" et de saupoudrer tout cela avec des "brackets" et des "counters" un peu partout. Ils doivent bien entendu être exécutés correctement.

Pour rappel, les "turns" ont une carre d'entrée et une carre de sortie et doivent inclure des courbes. De plus - conseil de pro - ces éléments sont de parfaites opportunités pour les juges d'avoir une idée de ce qu'une équipe peut réaliser en termes de capacités de patinage. Alors oui, nous vous voyons, vous... au milieu du bloc... tricher ce twizzle!


Image
Team Caprice de Suède. (Credits: Ice Galaxy - 2021)

Blagues à part, le TP est toujours à l'affût des pas ou des "turns" qui seraient mal exécutés. Les habiletés de patinage de base sont donc l'épine dorsale de tout programme.

Donc, si jamais vous vous demandez pourquoi vous n'avez pas eu cette séquence de pas, regardez une vidéo et concentrez-vous sur les pieds. En même temps que vous faites cela, jetez un oeil à cette liste d'erreurs et regardez si vos pas:

- sont exécutés sur deux pieds
- si la jambe libre touche
- sont exécutés sur place
- sont sautés
- sont plats
- n'ont pas la bonne carre
- dérapent
- ou encore... s'ils ne sont pas tentés du tout.

#2 – Arrêt et stationnaire
Je sais que cela peut sembler un peu bête, mais vous pourriez être étonnés du nombre d'équipes qui se trompent, en particulier parmi les équipes moins expérimentées. L'arrêt est défini ainsi: "les patineurs sont debouts à un endroit sans mouvement de la ou des lames". Toujours au même endroit mais avec mouvement de(s) lame(s)? C'est stationnaire. Sachant cela, gardez à l'esprit que cela peut même arriver involontairement (whaaaaaat ?!).

Par exemple...

Des patineurs d'une ligne arrière d'un "Pivoting Block" font des petits pas sur place, près de la barrière, en attendant que la ligne de devant les rattrape? Arrêt.

Les patineurs perdent de la vitesse à la fin d'un porté et finissent par ne plus bouger du tout pour faire descendre le patineur soulevé? Stationnaire.

Une intersection "box" avec des patineurs qui sortent en arrière avec un twizzle pour garder la forme de la boîte jusqu'à la fin mais sans entrer directement dans un autre élément? À l'arrêt ou stationnaire, j'ai vu les deux.

Un élément créatif avec une petite chorégraphie sur place pour rendre tout ça mignon? Pour le côté mignon, ça marche en effet, mais devinez quoi… Stationnaire.


Image
Team Phoenix - BEL. (Credits: Mario Huth - 2021)

#3 – Séquences chorégraphiques
C'est l'une de vos options pour pouvoir accéder au niveau 2 de l'élément artistique. Oui, c'est un sport artistique, et l'ISU a eu la gentillesse de vous donner un peu d'espace et de liberté pour laisser parler votre langage corporel. Mais n'oubliez pas que le règlement précise qu'il doit être composé de mouvementS. Au pluriel.

Donc, si vous voulez vraiment redonner au sport, faites en sorte que nous n'ayons pas à chercher des mouvements parce que nous n'arrivons pas à savoir si c'était un chassé chorégraphié intentionnel, ou juste un chassé qui a permis d'éviter une chute... cela sera grandement apprécié.

Je sais que cela semble basique, mais n'oubliez pas que nous sommes parfois loin de vous; vos mouvements doivent être rayonnants, encore plus que jamais, pour qu'ils puissent être reconnaissables. Et à un niveau plus personnel, j'ai toujours pensé que l'élément devrait plutôt s'appeler "séquence chorégraphique de votre vie", donc je vous recommande fortement de bouger à fond et de voir les choses en grand - ne vous contentez pas du strict minimum.

ADV picture
#4 - Intersection en fouet (Whip)
Je mentirais si je ne vous disais pas que chaque TP n'a jamais parlé, durant des centaines d'heures de ce qui, pour lui, est un fouet, au point d'en faire des cauchemars! Ainsi, des années plus tard, et après de nombreuses nuits blanches et des dessins sans fin, il a été décidé de le réduire cela à deux demi-cercles se déroulant lentement en une ligne droite prête à croiser avec son homologue venant dans l'autre sens.

Comme des miracles se produisent parfois, nous sommes maintenant déchargés du fardeau de chronométrer l'intersection (qui est maintenant le devoir du juge), mais nous sommes cependant toujours chargés de nous s'assurer que le demi-cercle ne se déroule pas avant qu'il ait pivoté de 90°. Et bam… juste comme ça, vous avez la principale raison pour laquelle vous n'avez obtenu que le niveau d'intersection 2. Inutile de me remercier, je suis là pour ça ;-)


Image
Haydenettes - USA. (Credits: Mihail Lefler - 2019)

Si ce premier article a suscité un intérêt pour vous et vous a mis dans une quête pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles vous vous sentez parfois déçu lorsque vous regardez le protocole, revenez très bientôt sur Jura Synchro car une autre analyse arrive sous peu avec de nouvelles erreurs à éviter. Miam.

Textes : Tony Kraehenbuehl - Contrôleur technique pour le patinage synchronisé

ADV picture