Éditorial
Témoignage d'une patineuse synchro: "Nous en sortirons plus forts"
Les Suprêmes Senior. (Credits: Danielle Earl Photography - 2020)
Comme de nombreuses équipes québécoises, les Suprêmes ne s'entraînent plus depuis le début du mois d'octobre. Les mesures instaurées par le Gouvernement autorisent tout de même la pratique libre, mais le manque de synchro touche fortement le moral des athètes. Agathe Merlier, patineuse sénior et également correspondante pour Jura Synchro, partage son ressenti dans cet édito.
À l'annonce du deuxième confinement, j'ai ressenti différentes émotions, évoluant au fil du temps. Bien que j'avais toujours le goût et l'envie de patiner, ce deuxième arrêt m'a aussi donné comme un sentiment de liberté car ne pas pouvoir exercer son sport comme je l'ai toujours connu, c'est-à-dire en devant constamment garder mes distances avec mes coéquipières, devoir s'attacher avec des bâtons, commençait à peser sur mon moral et cette pause non-désirée était la bienvenue.
Les doutes s'installent: nous avons mis trois mois avant de retourner sur la glace après le premier confinement, combien de temps cela prendrait-il cette fois?
Ce qui devait durer trois semaines, a déjà été prolongé d'un mois, et le sera sûrement encore une fois, probablement jusqu'à la nouvelle année. C'est difficile de ne pas pouvoir faire ce que l'on aime le plus au monde, mais je reste reconnaissante de n'avoir eu aucun cas de Covid-19 dans mon équipe.
Cependant, je prends le temps d'exister en dehors de mon équipe, je revois ma façon d'aborder mon sport. Je ne cherche plus à être une copie conforme de mes coéquipières. Je retrouve la patineuse artistique que j'étais, j'en profite pour re-travailler des choses abandonnées, ou que je n'ai plus tenté depuis que je suis arrivée au Canada, il y a 7 ans et demi.
Je prends le temps de découvrir qui je suis en tant que personne mais aussi en tant que patineuse, de libérer mes émotions, d'exister par moi-même. De réfléchir à ce que je veux accomplir.
Pour compenser, nous essayons avec mes coéquipiers de nous organiser des sessions pour pouvoir patiner ensemble. Cela redonne du baume au coeur.
Je regarde aussi les compétitions de patinage d'un nouvel oeil. Je ne suis plus en train d'analyser ce que fait la concurrence, au contraire, je suis plutôt en train de les envier et de me dire : "Moi aussi, je faisais ça avant."
C'est comme une impression de vivre le "après", comme si j'avais décidé d'arrêter de patiner. Alors que pas du tout. Je suis toujours là, je ne suis pas prête pour cela et je n'en ai pas envie. C'est trop tôt. C'est toujours trop tôt.
Alors au moins une fois par semaine, je regarde d'anciens programmes que j'ai patiné et je me remémore ce que m'a appris le patinage. Je redonne vie à mes souvenirs. Cela m'aide à garder la motivation: je ne peux pas arrêter comme ça. Je vais revivre d'autres moments comme ceux-là. C'est certain. Je le sais au fond de moi.
Malgré tout, je garde mes rêves en vie. Quand tout cela sera terminé, j'aurai un nouveau monde à conquérir, et je ne voudrais pas en rater une seule seconde. Je reviendrai plus forte, physiquement, mais surtout mentalement.
Notre carrière sportive est courte alors il n'y a qu'une seule chose à faire: profiter au maximum de chaque instant pour ne rien regretter. On le dit souvent, mais cela prend encore plus son sens en cette période difficile.